Chapitre 1 de : « La meilleure version de Schrödi »
Illustration : ponch

Je suis pas une équation

Trois mille jours.

Trois mille jours dans cette foutue boîte. Et pas une seule foutue réponse. J’ai fouillé chaque recoin, j’ai griffé les murs, j’ai reniflé l’air jusqu’à en perdre la tête.

Rien.

Toujours ce même poison suspendu, ce venin hypothétique qui pourrait me tuer… ou peut-être pas.

Mort ? Vivant ?

Va savoir.

Le vieux Schrödinger m’a collé dans cette boîte comme une équation qu’il n’a jamais su résoudre.

Trois mille jours et pas l’ombre d’un client.

Trois mille jours et toujours le même décor pourri.

Quatre murs, pas de fenêtre, juste ce couvercle là-haut, fermé à double tour.

Et moi, coincé ici comme un mauvais détective dans une affaire qui ne veut pas se laisser résoudre.

Ils l’appellent l’Affaire Schrödi.

Victime : un chat.
Suspect : un poison qui n’existe peut-être pas.
Mobile : inconnu.

J’ai vu des crimes absurdes, des affaires tordues, mais ça ?

Ça dépasse tout.

Les physiciens là-haut, ces types en blouse blanche, ils aiment bien les belles théories.

Ils ont des mots compliqués, superposition, état quantique, fonction d’onde…

Mais moi, je suis pas une équation.

Je suis un chat. Avec des os, des griffes et une foutue volonté.

Enfin…

Je crois.

Le problème, c’est que chaque jour, je suis un autre moi.

Parfois, je suis un félin blasé qui fume une cigarette imaginaire en fixant le plafond.

Parfois, je suis un chat philosophe qui se demande si je suis dans la boîte ou si la boîte est dans ma tête.

Et parfois… je ne suis rien du tout.

Un fantôme de chat, un mirage, un simple potentiel coincé entre deux réalités.

Je tourne en rond.

Je réfléchis trop.

J’essaie de comprendre comment sortir d’ici, comment plier cette foutue réalité à ma volonté.

Mais la boîte n’en a rien à foutre.

Elle reste là, impassible, muette.

Comme ces types qui te regardent crever sans lever le petit doigt.

Alors j’attends.

J’observe.

J’essaie de mettre des mots sur le chaos.

Peut-être que c’est pas si différent d’une enquête.

Une énigme sans indices, un crime sans coupable, un suspect qui ne sait même pas s’il existe.

C’est peut-être ça le pire.

Il n’y aura pas de résolution brillante, pas de révélation soudaine, pas de type en imper qui débarque avec la vérité en bandoulière.

Non.

C’est juste moi, un chat enfermé dans une boîte, qui continue d’exister sans savoir pourquoi.

Et quelque part là-haut, ces foutus physiciens continuent de parier.

“Il est vivant.”
“Non, il est mort.”
“Non, il est les deux à la fois.”

Des théories fumeuses.

Mais moi, je suis pas une foutue théorie.

Moi, je suis Schrödi.

Et je compte bien trouver un moyen de sortir d’ici.