Chapitre 3 de : « La meilleure version de Schrödi »
Illustration : nclsbrn
Rien. Rien. Tout. Rien.
« Si je hurle assez fort, peut-être que l’univers me tranchera enfin. »
Schrödi ouvrit les yeux.
Le monde était cassé.
Ce n’était pas une métaphore. Il était littéralement cassé.
Le sol avait des fissures qui se refermaient avant même qu’on puisse les voir.
L’air tremblait comme une nappe posée sur de l’eau.
Les murs de la boîte… quels murs ?
Il y avait encore quelque chose, mais pas tout à fait quelque chose.
Quelque chose qui ressemblait à un quelque chose, mais qui changeait d’avis chaque seconde.
Schrödi posa une patte sur un mur.
Il était solide.
Puis mou.
Puis inexistant.
Puis remplacé par un mur identique, mais légèrement plus perplexe.
SCHRÖDI — Tu hésites.
LE MUR (d’une voix lasse) — Évidemment.
Schrödi cligna des yeux.
SCHRÖDI — Tu parles ?
LE MUR (haussant les épaules) — Quel mur ne parle pas quand on lui pose la question ?
Schrödi tenta une autre approche.
SCHRÖDI — Où sommes-nous ?
LE MUR (hésitant) — Nous sommes ici.
SCHRÖDI — Et où est « ici » ?
LE MUR — Là.
SCHRÖDI — Mais « là » n’est pas un lieu.
LE MUR — Exactement.
Schrödi secoua la tête.
« C’est ridicule. »
« C’est absurde. »
« C’est exactement comme tout le reste. »
Il leva la patte.
Là, juste devant lui, des griffures.
Anciennes. Profondes.
« J’ai fait ça ? »
Il regarda ses griffes. Elles étaient propres.
SCHRÖDI — Depuis combien de temps suis-je ici ?
LE MUR — Oh, longtemps. Peut-être toujours. Peut-être jamais.
Schrödi frissonna.
SCHRÖDI — Mais si j’ai fait ces griffures… alors j’ai déjà été ici.
LE MUR — Qui sait ? Peut-être étais-tu déjà ici avant d’arriver.
Schrödi ouvrit la bouche. Puis la referma. Puis l’ouvrit encore.
Puis il dit très calmement :
SCHRÖDI — Je commence à en avoir assez.
LE MUR (avec une pointe d’amusement) — Et pourtant, tu es toujours là.
Schrödi suivit les griffures du regard.
Elles s’enfonçaient dans l’ombre, menant vers quelque chose.
Quelque chose qui n’aurait pas dû être là.
Un mot.
Gravé profondément, à même la matière du monde.
« N’Y CROIS PAS. »
Schrödi sentit son cœur rater un battement.
Il tendit la patte vers les lettres.
Au même instant, la boîte disparut.
Plus de murs.
Plus de plafond.
Plus de sol.
Juste du noir.
Ou peut-être du blanc.
Ou peut-être un espace qui n’avait pas encore décidé de ce qu’il voulait être.
SCHRÖDI (chuchotant) — Où suis-je ?
Schrödi sentit le sol trembler sous lui.
Non, pas le sol.
L’air.
L’espace.
Tout hésitait.
Quelque chose cherchait à exister.
Et quelque chose cherchait à disparaître.
Schrödi sentit une peur sourde monter en lui.