Chapitre 6 de : « La meilleure version de Schrödi »
Illustration : Georges Boulard
L’Autre
« Peut-on être observateur et observé à la fois ? »
Il n’y a plus de boîte.
Il n’y a plus de murs.
Il n’y a plus de Schrödi.
Seulement une conscience suspendue dans le vide.
Quelque chose regarde.
Quelque chose écoute.
Quelque chose attend.
Et puis, quelque chose parle.
Une voix sans timbre, ni lointaine ni proche.
« Eh bien… t’en as mis du temps. »
Quelque chose se remet en place.
Comme une mémoire qu’il n’a jamais eue, mais qui était là depuis toujours.
Schrödi comprend.
Non pas avec des mots.
Non pas avec des pensées.
Mais avec tout ce qu’il est.
Et ce qu’il est…
…n’a jamais été un chat.
Le monde bascule.
Les ténèbres s’effondrent.
Et il ouvre les yeux.
Pas des yeux de chat.
Des yeux humains.
Une lumière blanche l’aveugle. Des formes floues se dessinent.
Des silhouettes.
Des visages penchés sur lui.
Des scientifiques.
Des machines bipent. Des écrans s’allument.
Un homme en blouse blanche prend des notes.
« Sujet 42 est réveillé. »
Schrödi se sent lourd. Son corps est étranger, trop grand, trop solide.
Il lève une main. Une main humaine.
Tout revient d’un coup.
Il n’a jamais été Schrödi.
Il n’a jamais été un chat.
Il a été plongé dans une simulation.
Un test de conscience quantique.
Un programme conçu pour explorer les limites de l’identité.
« Et si une entité ne savait pas ce qu’elle était, existerait-elle quand même ? »
Il veut parler, mais sa gorge est sèche.
L’un des scientifiques s’approche.
« Vous avez été immergé dans l’expérience pendant exactement trois mille jours. »
« Nous pensions que vous n’en reviendriez jamais. »
Il veut dire quelque chose, mais les mots sont inutiles.
Tout ce qu’il a vécu…
La boîte.
Le poison.
Les autres Schrödi.
C’était une illusion.
Mais alors…
Si Schrödi n’a jamais existé…
Qui est en train d’ouvrir les yeux en ce moment ?